Je possède la faculté de traduire ma pensée avec des mots. Je me souviens moi-petit, j’invente des histoires abracadabrantes. Je me sens bien lorsque les gens m’encouragent à le faire. Je téléphone à ma grand-mère sans téléphone, par exemple, et le fait de captiver l’attention de ma famille en décrochant un téléphone imaginaire me grise autant que les choco BN, les Kinder, et tout ce dont je raffole encore aujourd’hui, même si j’en mange infiniment moins.
Ceci dit, comme beaucoup d’enfants, ces moments pour moi sont rares. Mon babillage est prolixe, parfois je chante[1], et mon entourage m’ignore avec beaucoup de réussite : j’oscille entre une calme acceptation de ce dédain et une folle envie de captiver de mes mots, tous les jours un peu plus.
Alors, j’apprends à lire.
Notes
[1] je n’ai jamais autant chanté qu’à l’époque, à mon avis : je n’arrêtais pas de tester ma voix pour voir comment ça marchait. Je me souviens particulièrement d’un moment où je voulais savoir combien de temps je pouvais tenir un son — peu importait la hauteur, je m’attachais au timbre.